LA PHILOSOPHIE DU CINÉMA D’HORREUR : EFFROI, ÉTHIQUE ET BEAUTÉ

Qu’est-ce que le cinéma d’horreur nous apporte ? Met-il vraiment en exergue nos esprits dérangés ou, au contraire, en est-il une soupape de sécurité ?

J’ai lu La Philosophie du cinéma d’horreur, d’Olivia Chevalier-Chandeigne… et j’ai énormément à dire !

De mon attrait pour le cinéma d’horreur

La Philosophie du cinéma d'horreur

J’ai acheté ce livre sur un coup de tête : le titre me parlait, le sujet qu’il traite me parlait. Fut une époque où je me régalais de films d’horreur : comme beaucoup, j’ai eu ma période Scream (et, avec le recul, bon sang ce que je trouve ça mauvais !), on avait vu le premier Saw avec les copines du lycée (ce retournement à la fin, quand le mort n’est pas mort, avait provoqué un déclic en l’autrice que j’étais à l’époque), il y a eu Hostel, The Thing, The Descent… puis l’ennui. Celui d’avoir l’impression de toujours regarder le même film. Plus ou moins.

Je pourrais en citer beaucoup, des films d’horreur qui m’ont déçue, sorte de soupe pour adolescents en mal de sensations fortes. (À condition de retrouver les titres, pour certains.) Je me suis toujours dit que le genre avait du mal à se renouveler, que je voulais voir autre chose, mais sans savoir quoi précisément.
Puis j’ai trouvé ce livre au hasard de mes pérégrinations sur le Net. Et il a rallumé une petite flamme en moi : celle de la lanterne qui m’apporterait un début d’explication sur ce qui avait bien pu merder entre La Nuit des morts-vivants et Catacombes. (C’est-à-dire un film qui partait bien, àmha, mais se tourne finalement en ridicule.)

Le cinéma d’horreur d’antan

La Philosophie du cinéma d’horreur s’accorde à dire qu’on ne peut plus réaliser les films horrifiques d’antan parce que leurs mécanismes ne fonctionnent plus. La société a évolué, bien que notre vision de la figure du monstre et l’impact de la société sur le comportement d’une personne n’aient pas tellement changé, eux.

Avant d’aller plus loin, il convient de faire le point sur les différents types de films d’horreur :

  • le slasher : sans doute le plus connu et le plus visionné, il met en scène un serial killer qui poursuit des groupes de personnes pour les tuer (Scream, Halloween)
  • le survival : il confronte des personnages du quotidien à une ou plusieurs personnes qui souhaitent les tuer (The Descent)
  • le torture porn : il abandonne ses personnages aux mains d’autres qui souhaitent les torturer avant de les tuer (dans Hostel, des gens riches paient pour pouvoir torturer, puis tuer des personnes enlevées)
  • l’épidémie : le mal se répand sous la forme d’un virus, d’une maladie… (La Nuit des morts-vivants, 28 jours plus tard)
  • les possessions : le mal est, ici, le Mal, incarné par une figure démoniaque qui n’est ni humaine ni contagieuse. (L’Exorciste.)

Ces différents types de cinéma d’horreur exercent, chacun à sa manière, un effet sur læ spectateur·rice. Mais, de la compassion pour les personnages torturés (et, par extension, pour soi-même, puisqu’on n’aimerait pas se retrouver à leur place) à la fatalité du genre humain (quand il n’est qu’un zombie, dépourvu de ce qui fait l’Homme), ils en appellent à ce que nous avons de plus profondément enfoui en nous.

Le cinéma d’horreur permet de refouler, comme, autrefois, les contes ou la peinture. Il nous rassure parce que, même si on n’aimerait pas être à la place des personnages torturés, on ne peut s’empêcher d’apprécier notre position confortable, devant l’écran. Le cinéma d’horreur dénonce (des injustices, des écarts sociaux) ou répond à des problématiques de son époque, comme dans American Nightmare, avec la criminalité et le chômage. Pour autant, est-ce ce qui nous fascine dans ce cinéma ? Puise-t-on notre plaisir dans ce reflet des époques dans lesquelles s’inscrivent ces films ?

Une évolution du cinéma d’horreur

·Je l’écrivais plus haut, le cinéma d’horreur a évolué. (Et c’est bien normal !) En 1968, La Nuit des morts-vivants est très vite comparé à une métaphore de la guerre du Viêt Nam. Halloween peut être considéré comme une mise en garde à l’encontre des femmes (en particulier les plus jeunes) contre les méfaits de la société. (Malheureusement en reportant la faute des responsables sur le fait que ces femmes sortent et s’amusent.) Le pitch de base de La Dernière Maison sur la gauche repose sur une idée similaire, puisque Mari désobéit à ses parents et sort avec son amie.

Le cinéma d’horreur reflète donc les époques qu’il a traversées. Il se veut une forme de témoin des inégalités sociales, des enjeux politiques et des mœurs. Pourtant, ceci ne nous explique toujours pas ce qui nous fascine tant chez lui. Peut-être, comme je l’écrivais plus haut, notre position confortable de spectateur·trice ? À moins que ce soit un poil plus compliqué…

Nous-mêmes face à nous-mêmes

Le cinéma d’horreur, qu’il effraie ou écœure, en vient à nous mettre face à nous-mêmes. L’horreur est un sentiment que l’on affronte seul·e, puisque chacun·e n’a pas affaire à la même vision de cette horreur. (Ne serait-ce que par le pouvoir de l’imagination, quand l’horreur est suggérée.) Un film dans lequel les Soviétiques sont les grands maîtres de l’horreur n’aura, aujourd’hui, pas le même impact sur les spectateur·trice·s de son époque, alors directement confronté·e·s à un évènement majeur de celle-ci : la guerre froide.

Les sociétés évoluent, mais les gens changent. Ce qui fonctionnait hier ne fonctionne plus aujourd’hui, car le regard d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui. Par ailleurs, le renouvellement fastidieux du genre horrifique n’aide pas à trouver une pleine satisfaction. Ou, peut-être, que ce qu’il dénonce (la vie gâchée dans Saw, la lassitude quand on possède déjà tout dans Hostel ou le maintien d’un taux de criminalité bas dans Americain Nightmare) n’est déjà plus dans l’aire du temps… Ou ne l’est-il que trop ?

Reflet de nos personnalités capables du meilleur comme du pire et soupape de sécurité, le cinéma d’horreur est la mise en scène de ce qu’il pourrait se passer si on se laissait aller à une totale liberté. (Ou, du moins, à ce que l’on qualifierait de telle, sans réaliser une seule seconde être esclave d’un désir de vengeance, quel qu’il soit.) Le cinéma d’horreur est une fenêtre ouverte sur les esprits, non pas les plus dérangés, mais les plus enclins à répondre au mal par le mal, à se repaître de la souffrance d’autrui, voire à en tirer profit. Il ne s’agit pas là de dégoûter gratuitement, plutôt de nous confronter, indirectement, au mal, face auquel nous allons réagir. Car, au fond, c’est là la base de tout film d’horreur : un ou plusieurs personnages cherchent à fuir, puis à éradiquer le mal qui les poursuit.

📕 Cet article a été rédigé après ma lecture de La Philosophie du cinéma d’horreur, d’Olivia Chevalier-Chandeigne. Vous pouvez lire mon avis sur cette lecture. 📕

Aude Réco

Je suis autrice dans les genres de l’imaginaire à destination des adultes et des jeunes adultes.

Je suis adepte de méli-mélo temporel, de mondes aux contrées mystérieuses et, surtout, de maisons hantées et d’histoires de fantômes.
J’aime tout ce qui touche au passé et à la mémoire des lieux, aux secrets de famille et vieilles malles poussiéreuses pleines de souvenirs.

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