Hier, j’ai enfin repris l’écriture après plus de deux semaines d’arrêt forcé. (Dent à dévitaliser, mauvaise réaction à un médicament, maux de tête…) Boistrel m’est presque apparu comme un roman étranger. J’ai dû relire pas mal de chapitres en amont pour me réimprégner de l’atmosphère, mais ça a tout de suite été un gros plaisir.
Avec ce genre de roman (c’est-à-dire confortable, un peu doudou), je n’ai pas envie que ça s’arrête. (Et ça tombe bien, puisque je n’aurai pas fini le premier jet fin septembre comme escompté. (Fichue dent.)
Ça avait été le cas avec Margreet, à la fin de mon burn-out, en 2022. J’ai pris tout mon temps pour l’écrire, déjà, parce que je n’avais pas le choix, mais surtout, je me sentais bien dans cette histoire. J’étais dans une période où je me réappropriais mon écriture, je n’avais que ce projet en tête parce que les autres avaient explosé en vol, et j’ai associé ce roman au plaisir de retrouver mes marques dans cette activité que je pratique depuis mes huit ans.
À ce moment-là, où j’avais un peu trop mélangé vie privée et vie professionnelle, ça signifiait beaucoup, beaucoup pour moi. Et indirectement, ça a donné naissance aux Portes de Boistrel.
J’avais fini d’écrire Margreet et, pour la première fois depuis que j’écris, je ne savais pas sur quel projet rebondir. Ils me paraissaient tous inaccessibles, encore. Boistrel n’était absolument pas prévu. J’ai eu cette idée de tempête qui réveille les morts. Le personnage de Mark et son histoire personnelle me sont apparus comme des évidences. Petit à petit, les autres se sont greffés à lui : Katie, sa domestique, Harry, le plus vieil habitant du village (celui qui raconte plein d’histoires), Lili Jacobs, l’institutrice, qui mettra peut-être un terme à la succession des institutrices depuis le meurtre de l’une d’elles… Évidemment, Boistrel devait être un manoir. Il y a un domaine, avec la fameuse forêt de Boistrel. J’avais le contexte, les personnages et l’élément déclencheur. Franchement, plus rien ne me retenait.
Pour l’extrait de la semaine, je vous propose de découvrir Katie, la domestique de Mark. (Je vous présente les personnages dans leur ordre d’apparition dans le roman.)
Katie observait l’évolution de la tempête depuis la fenêtre de sa chambre. Connor se dégourdissait les jambes dans les couloirs, incapable de fermer l’œil. Les jumeaux dormaient dans leur chambre. Malgré les circonstances, Katie profitait d’un moment de quiétude.
La tempête progressait et serait bientôt sur eux. Des éclairs de plus en plus rapprochés zébraient le ciel. Katie eut une pensée pour Lucy, qui passait la nuit chez Mrs Thompson.
Elle descendit aux cuisines, sa lampe au gaz à la main, pour se préparer une infusion. La verveine, si elle ne l’aidait pas à s’endormir – impossible par ce temps – achèverait néanmoins de l’apaiser. Elle mit de l’eau à chauffer dans la vieille bouilloire en fonte et répandit des plantes séchées au fond de sa tasse. Ici, en bas, on entendait moins le souffle du vent. La lumière des éclairs s’infiltrait par les soupiraux, mais c’était presque comme si la tempête n’existait pas. Katie se réchauffait en frottant ses mains sur ses bras quand elle entendit un bruit dans son dos.
— Je n’ai mis à chauffer de l’eau que pour une tasse, soupira-t-elle, persuadée de trouver Holly sur le seuil de la porte.
Elle se retourna, prête à l’accueillir dans ses bras pour la rassurer. Holly était douée pour se dresser contre les ennuis, mais l’orage la terrifiait. Bien plus que la fureur de son père. Il n’y avait personne. Pas plus d’Holly que de n’importe qui d’autre.
— Hum, fit Katie. Sûrement le vent.
Elle était trop fatiguée pour chercher plus loin. Si l’un des jumeaux ne lui jouait pas une farce, par exemple.
La bouilloire commença à siffler. Katie récupéra un torchon sur une patère et se servit, avant de replacer la bouilloire vide sur la gazinière. Elle versa un peu de lait dans son infusion, touilla, puis en but une première gorgée, laquelle parut la réchauffer instantanément. Les mains de part et d’autre de la tasse brûlante, elle remonta, d’abord au rez-de-chaussée – le docteur Bartlett dormait à poings fermés avec Hannah, toujours au salon –, puis au premier étage de l’aile réservée aux domestiques. Si les jumeaux s’étaient réveillés entre-temps, elle n’en sut rien. Hormis le brouhaha de la tempête, le silence régnait à l’intérieur.
Aude Réco
Je suis autrice dans les genres de l’imaginaire à destination des adultes et des jeunes adultes.
Je suis adepte de méli-mélo temporel, de mondes aux contrées mystérieuses et, surtout, de maisons hantées et d’histoires de fantômes.
J’aime tout ce qui touche au passé et à la mémoire des lieux, aux secrets de famille et vieilles malles poussiéreuses pleines de souvenirs.