Aujourd’hui, le fusil de Tchekhov désigne surtout un objet insignifiant qui, finalement, revêt une importance dans la suite du récit. C’est toutefois à sa signification d’origine à laquelle je vais m’intéresser : chaque détail mémorable dans une fiction doit être nécessaire ou irremplaçable. En bref, si vous pouvez le supprimer, alors, ce n’est pas utile au récit ni à l’intrigue.
Avant d’aller plus loin, je tiens à rappeler que récit et intrigue sont deux choses très différentes. Le récit est ce que l’on raconte. L’intrigue, elle, est l’ensemble des évènements qui constituent le récit. (Ou comment et pourquoi ces évènements se produisent.)
Tenir ses promesses
Je ne m’intéresserai pas tant au fusil de Tchekhov en lui-même qu’à son usage, puisque j’ai tout dit de la définition dans l’introduction. En résumé, donc, le fusil de Tchekhov, c’est tenir ses promesses.
Il ne faut jamais placer un fusil chargé sur scène s’il ne va pas être utilisé. C’est mal de faire des promesses que l’on n’a pas l’intention de tenir.
Lettre de Tchekhov à Alexandre Semenovitch Lazarev (sous le pseudonyme de A. S. Gruzinsky), le 1er novembre 1889.
Quand on écrit un roman, on passe une sorte de pacte avec læ lecteur·rice. On propose une intrigue dont la quatrième de couverture attire ce·tte même lecteur·rice, et en échange, iel apprécie. Quand læ lecteur·rice apprécie l’intrigue et le récit qui en découle (et la narration, aussi), alors, le pacte est respecté parce que les promesses de l’auteur·rice sont tenues. Mais tenir ses promesses, ça s’apprend.
Intrigue, préparation et paiement
L’intrigue, nous l’avons vu, est l’ensemble des évènements qui constituent le récit. La préparation est la façon dont on sème les indices qui prépareront un moment fort dans le récit. (Un retournement de situation, une épiphanie, une révélation comme lorsque le mort dans le premier volet de Saw, dans la salle de bain, est, en fait, bien vivant et qu’il est même à l’origine de tout le récit.) Enfin, le paiement est la récompense que reçoit læ lecteur·rice ayant fait attention aux détails. (Comme quand on lit un Agatha Christie et que Poirot prête attention à tout, là où Hastings a besoin qu’on le remette sur la voie.)
Préparation et paiement
La préparation et le paiement sont la base même du pacte que passe l’auteur·rice avec læ lecteur·rice. (Celui dont je vous parlais précédemment.) L’auteur·rice prépare le terrain (et son ou ses fusils de Tchekhov), en contrepartie de quoi iel satisfait læ lecteur·rice.
La préparation veut que vous semiez vos indices tout au long du roman. C’est là un excellent moyen de vous assurer le suivi des lecteur·rice·s. Les différentes pièces du puzzle s’assembleront au fur et à mesure de l’intrigue, et iels auront ainsi l’impression d’y participer. (L’engagement est important, car il laisse aux lecteur·rice·s un sentiment positif.)
Attention aux exceptions
Comme toute règle d’écriture, vous pouvez jouer avec. En semant les vrais indices parmi des faux pour tromper læ lecteur·rice. (Méthode appelée « hareng rouge », je vous en reparlerai.) En misant sur des détails superflus pour l’intrigue, mais qui créent une ambiance. En faisant croire qu’un élément important ne l’est pas, alors qu’il l’est, et que læ lecteur·rice le découvre au moment voulu. En jouant sur le ressenti des personnages. (Ce qu’ils ressentent ne reflète pas forcément la réalité.) Le fusil de Tchekhov offre des possibilités de par son usage, mais aussi quand on l’ignore. (À condition de procéder avec méthode.)
Une excellente base au hareng rouge
Pour celleux qui se sentent d’humeur joueuse dans l’écriture de leur roman, le fusil de Tchekhov est donc une excellente base au hareng rouge. (L’art de la fausse piste.) Dans l’article de la semaine prochaine, nous verrons plus en détail ce que le fusil de Tchekhov peut apporter à une fausse piste et comment préparer tout ceci.
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