Cher syndrome de l’imposteur, sache que tu ne me fais pas peur. Tu ne me fais plus peur. J’ai choisi d’écrire et de ne pas m’en cacher. Je ne me suis jamais cachée d’écrire. Jamais.
Mon entourage a toujours su que j’écrivais, puisqu’il était le premier à me lire. Au collège et au lycée, élèves comme professeurs savaient que j’écrivais, certain·e·s me lisaient aussi. Ce n’était, certes, pas ma meilleure prose, mais jamais je n’en ai eu honte parce qu’il faut un début à tout.
Non seulement, il faut un début à tout, mais en plus, ce que j’écris aujourd’hui me paraîtra, dans quelques années, moins bon qu’à ce moment-là, et ce sera tout à fait normal.
Cher syndrome de l’imposteur, tu n’as jamais démonté ma foi en l’écriture.
À aucune reprise, je n’ai prétendu être celle qui écrit les meilleures histoires, et même, l’image d’enfant prodige parce qu’elle écrit du haut de ses huit ans me gonflait, tu n’as pas idée. Mais, au moins, elle m’a permis de ne jamais croire que l’écriture est une activité d’intello et qu’il vaut mieux s’en cacher.
Vois-tu, cher syndrome de l’imposteur, je n’ai jamais eu la trouille d’envoyer un texte à un·e bêta-lecteur·rice. Après coup, j’ai souvent eu honte des âneries passées à travers les mailles du filet. (Pas toujours très resserrées, au début, je l’admets.) Aujourd’hui, les perles d’écriture, je m’en amuse.
Non, décidément, écrire n’est pas une activité d’intello, et même, parfois, elle déride un bon coup, bien qu’il faille garder son sérieux. Rien n’empêche les auteur·rice·s de se marrer en écrivant ; c’est même conseillé !
Je prends un plaisir immense à écrire, et on ne m’a pas toujours encouragée à continuer. « À quoi ça sert d’écrire ? », « Qu’est-ce que ça t’apporte ? », « Ce n’est même pas un vrai métier ! » Sans parler des villas à la mer que les auteur·rice·s sont supposé·e·s se payer avec leurs droits !
Cher syndrome de l’imposteur, écrire n’est ni un métier bien vu ni un métier facile, mais j’ai choisi de l’exercer, et mieux, de le faire savoir.
J’ai appris à accepter la critique, qu’il s’agisse de bêta-lecture ou d’un retour de lecteur·rice. J’ai même appris à m’en servir comme d’un outil ! Tu vois, je me débrouille.
Aujourd’hui, je me lance dans un truc totalement nouveau.
Si je me sens légitime en tant qu’autrice – parce que j’écris depuis presque toujours, quatorze ans « pour de vrai », ça file ! –, j’ai plus de difficultés à me croire capable de transmettre aux autres ce que j’ai appris. Pas que j’en sois infoutue. J’estime avoir les compétences nécessaires, sinon, je ne me serais pas lancée. Seulement, il y a encore ce rapport au regard des autres qui me chiffonne. Mais il y en aura toujours pour me juger quoi que je fasse, quoi que je dise, alors…
Quand j’ai lancé mon idée d’accompagner les auteur·rice·s pour qu’iels atteignent leurs objectifs, j’ai préféré y croire. Ce n’est pas la première fois que je me lance dans un projet comme celui-ci, mais, toujours, j’ai cédé plutôt qu’avancé. Néanmoins, j’ai appris de ce comportement, caractéristique de l’imposteur qui s’estime heureux d’avoir trois inscrit·e·s à son programme « sûrement tout pourri ».
J’ai appris que le manque de préparation influençait grandement mon opinion quant aux projets que je lance. J’ai appris que, si je n’y passais pas des semaines, voire des mois, un projet ne pourrait être pris au sérieux. J’ai appris, surtout, que tout ceci n’est que foutaises. L’efficacité prime, et je pense aussi – naïvement, peut-être ? – que la passion fait beaucoup.
C’est naturellement, et dans une volonté de partage, que j’ai choisi d’exercer ce « métier qui n’en est pas un » et de développer mon activité autour. De prendre les devants plutôt qu’attendre que les choses bougent, avec cette appréhension dont j’ignore si elle est naturelle ou si elle m’est propre. D’estimer disposer de suffisamment de matière pour bâtir un projet qui, je l’espère, me permettra d’en concrétiser un autre, plus important.
Ce sera peut-être un coup d’épée dans l’eau, mais, au moins, j’aurai essayé. Et je me dis que, parmi celleux qui me jugeront, certain·e·s n’ont jamais sauté le pas.
Dans ces conditions, je veux bien continuer à avoir la trouille chaque fois que je présente un truc. De toute façon, je ne peux pas ne pas créer. Écrire (des livres, sur ce blog, pour la chaîne) est le meilleur des enseignements parce que cette activité d’intello qui n’en est pas une ne consiste pas seulement à aligner des phrases, assis·e devant son ordinateur. (Ou sa pile de carnets.) Quand on écrit, c’est soi-même qu’on a en face de soi, et, parfois, un syndrome de l’imposteur qui fait vraiment chier son monde, mais, cher syndrome de l’imposteur, j’aurais pu choisir de t’ignorer, sauf que je ne l’ai pas fait, car j’ai encore beaucoup à apprendre de toi.
Et de moi.
Finalement, on forme une chouette équipe.