ALTERNATIVES À L’ÉDITION TRADITIONNELLE : À LA CONQUÊTE DE LA CHAÎNE DU LIVRE

Alternatives à l'édition traditionnelle| Aude Réco

L’édition traditionnelle est connue pour son sérieux, ses réseaux dans le milieu du livre, ses capacités à promouvoir efficacement et son engagement vis-à-vis des auteur·rice·s. Enfin, ça, c’est surtout sur le papier. Les éditeur·rice·s sans scrupule ou inefficaces pullulent, l’une des raisons pour lesquelles de plus en plus d’auteur·rice·s se tournent vers l’autoédition.

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Pourtant, l’autoédition n’est pas forcément une fin en soi. Parfois un tremplin vers l’édition traditionnelle, parfois une solution provisoire, elle dégage néanmoins une volonté forte : celle de gérer sa propre chaîne du livre de A à Z. Certain·e·s accèdent même aux librairies – sans diffuseur –, réputées être le sésame de la réussite. (J’en ai une tout autre idée, mais passons.)

L’édition traditionnelle

L’édition traditionnelle consiste à être publié·e chez un éditeur. Celui-ci prend en charge les corrections éditoriales (ce qui ne vous affranchit pas de corrections préalables de votre côté !), la couverture, la maquette, la création de l’ebook, la fabrication et l’impression du livre papier, la mise en vente…

Et moi, et moi, et moi ?

Facile de s’y perdre là-dedans ? Mais non, vous allez voir.

Une fois votre livre écrit, corrigé, relu, bref, une fois prêt, vous l’envoyez aux éditeurs après les avoir ciblés. Inutile de soumettre un roman de littérature blanche chez un éditeur de science-fiction. Même en insistant, même avec un manuscrit du feu de Dieu, on vous le refusera. L’édition a ceci de particulier qu’elle comporte de nombreuses cases, à tel point qu’il en est quelquefois difficile de trouver chaussure à son pied.

Je l’écrivais dans je ne sais plus quel article : le Projet Plume est parti chez un seul et unique éditeur faute de mieux. Après avoir éliminé les éditeurs qui n’acceptent pas le fantastique très nuancé, les textes lents, choisi selon le nombre de signes espaces comprises et tout ceci en écartant les trop petites et trop récentes structures, il ne m’en restait qu’un.

L’édition, les cases et votre livre, donc. Celui-ci doit rentrer dans un cahier des charges. D’un côté, il est normal qu’un éditeur établisse une ligne éditoriale ; j’ai moi-même une grande méfiance à l’égard de ceux qui « publient de tout parce que la diversité, c’est la vie ». En soi, oui, publier diversifié, c’est cool, mais la pratique ne suit pas toujours. Seulement, ces fameuses cases me posent de plus en plus de problème, car j’aime mélanger les genres. En ce sens, j’ai choisi l’autoédition.

Gérer l’attente

L’édition traditionnelle, c’est aussi faire preuve de patience. Et oubliez les relances chaque douzaine, on risque de ne pas vous les pardonner.

Avant de vous envoyer une réponse, certains éditeurs précisent une durée – à titre très indicatif, car il n’est pas rare de devoir attendre un peu plus. D’autres notifient l’auteur·rice de la réception du manuscrit (ou tapuscrit si on veut chipoter) ; beaucoup ne le font pas, cependant. Quant aux réponses personnalisées, autant s’asseoir dessus, mais eh ! l’éditeur est là pour jauger votre texte selon ses attentes et sa ligne éditoriale, pas pour jouer les bêta-lecteurs.

L’autoédition

L’autoédition n’est pas un royaume merveilleux pour autant. Écrire est une chose, se publier en est une autre. Je dis souvent, à celleux qui me posent la question, que l’autoédition, c’est un tiers de tripes (l’écriture), un tiers de technique (la création de l’ebook, la maquette…) et un tiers de mendicité (la promotion), et j’ai beau me répéter à chaque fois que je ne recommencerai jamais, on m’y reprend toujours.

Tout est dans le doigté

La technique s’apprend surtout sur le tas, à coups de tutoriels, de questions aux copain·ine·s autoédité·e·s et d’instinct, parfois. Il faut s’y plonger un bon coup et voir ce qui se passe. Après, ça devient routinier ; pas de souci à se faire là-dessus. Ne vous laissez donc pas impressionner par quelques termes techniques et un ou deux logiciels.

Cependant, les lecteur·trice·s ne vous pardonneront pas une mise en page foirée, mais plus encore, ils vous maudiront sur dix générations pour avoir laissé traîner des coquilles et des espaces superflues. Là où un éditeur se chargera de ces petits tracas, en autoédition, c’est à vous de gérer. Que vous procédiez vous-même avec des bêta-lecteur·trice·s ou par le biais d’un·e correcteur·trice, ce sera à vous d’assurer.

L’argent ne fait pas le bonheur

Mais sans bénéfices, difficile de financer l’édition du futur bébé, surtout si vous rémunérez un·e correcteur·trice et un·e illustrateur·trice.

Il y a cependant moyen de s’en sortir pour trois fois rien. J’ai payé la premade cover de Cœur sommeil (par Le Monde de Fleurine) 90€, qui ont été vite amortis. La publication d’Appartiens-moi, mon roman d’Urban Fantasy, ne m’a rien coûtée puisque j’ai opté pour une image libre de droits, le tout mis en page sur Canva.

L’hybridation des auteur·rice·s

Je constate de plus en plus que les auteur·rice·s choisissent de s’hybrider, notamment pour des raisons évidentes de précarité.

Je ne reviendrai pas sur ce qui m’a fait opter pour l’hybridation, car j’ai déjà signé un long article sur le sujet. En revanche, je préciserai que ce n’est pas une décision à prendre à la légère ; un éditeur m’a déjà refusé la publication d’un manuscrit, car après des recherches sur Internet, il a remarqué que je m’autoéditais.

Dans un monde voué à l’instantanéité, dans un univers littéraire où chacun·e remarque la vitesse à laquelle on passe à autre chose (coucou la rentrée littéraire !), il devient de plus en plus difficile de se démarquer. Le nombre d’auteur·rice·s augmente, qu’iels soient compétent·e·s ou non. Ça s’appelle l’autoédition, mais aussi l’édition traditionnelle, car bon nombre d’éditeurs du dimanche publient tout et n’importe quoi. De moins en moins d’éditeurs travaillent avec des correcteur·trice·s pro ; c’est tout un écosystème qui se retrouve sur la brèche.

Les gens lisent encore, mais il y a trop d’auteur·rice·s sur le marché, trop d’éditeurs aussi. N’importe qui peut s’autoéditer grâce à l’accessibilité d’Amazon KDP et consorts, et rares sont celleux qui effectuent un réel travail éditorial afin de proposer un vrai projet fini.

Un bourbier littéraire

Beaucoup d’auteur·rice·s se plaignent de la précarité de la profession, mais on continue de signer chez des éditeurs. Ne serait-ce pas une façon d’accepter notre sort ? Nous semblons oublier que sans nos histoires, c’est toute la chaîne du livre qui se casse la figure. Certes, un éditeur compétent permettra à une œuvre de perdurer, de se faire une place moins insignifiante au milieu de toutes les autres, mais combien de livres tirent ainsi leur épingle du jeu ? Combien d’auteur·rice·s pour combien d’autres qui restent sur le carreau, avec des droits non perçus, reportés à l’année suivante, des suivis non assurés ou des cotisations non versées aux organismes ?

La chaîne alimentaire du livre

Là où l’auteur·rice devrait figurer au sommet de la chaîne alimentaire du livre, il se contente des miettes. Si certains éditeurs tentent de valoriser les droits d’auteurs, les plus gros continuent de multiplier les publications, avant de vite passer à d’autres.

La rentrée littéraire est l’exemple le plus frappant de l’immédiateté qui en résulte. Le temps d’apparition en librairie est ridicule, et encore, quand un bouquin y parvient ! La majorité des auteur·rice·s passent inaperçu·e·s, le reste sera remplacé au pied levé. La chaîne est parfaitement huilée, l’auteur·rice devient très remplaçable ; ce n’est plus lui ni elle qui propose un contenu intéressant, mais l’éditeur qui lui fait l’honneur d’accepter son manuscrit et peu importe qui il est.

Mais comme l’autoédition et l’hybridation ne font pas tout, certain·e·s ont créé leur compte Tipeee, uTip ou Patreon, comme moi.

Tipeee, uTip, Patreon et les créateur·rice·s du web

J’ai créé mon Patreon afin de proposer des contenus exclusifs à mes soutiens, auteur·rice·s comme lecteur·rice·s. (Pour celleux que ça intéresse, la liste des contenus est disponible à tou·te·s.)

Pour l’instant, des infographies et ateliers d’écriture créative guidée sont disponibles, mais des textes inédits et premiers chapitres/épisodes sont en cours de préparation. (Mise à jour du 2 mars 2020.)

L’idée n’est pas de proposer des contenus qui, à terme, paraîtront sur le blog, la chaîne ou les plateformes de vente, mais bien de créer des contenus spécialement pour mes soutiens. C’est un rapport de confiance que je souhaite établir entre elleux et moi, notamment parce que je ne souhaite pas passer par le financement participatif.

Le financement participatif

Pour celleux que l’édition traditionnelle rebute pour des raisons diverses et variées et qui veulent une plateforme pour l’autoédition, vous pouvez envisager le financement participatif ou crowdfunding.

Sur Ulule, vous pouvez choisir entre atteindre un montant spécifique ou un certain nombre de précommandes.

Si l’autoédition est un choix intéressant dans la mesure où elle permet aux auteur·rice·s de s’affranchir de l’édition traditionnelle, lancer une campagne de financement participatif nécessite de bien comprendre comment cela fonctionne afin de bien calculer les montants selon les contreparties et les paliers. Il demande un investissement énorme de temps et d’énergie, d’être à l’écoute des participant·e·s, de réfléchir à une campagne de promotion, soit autant d’efforts que l’autoédition ne vous demandera pas – ou de façon amoindrie.

 

Vous l’aurez compris, des alternatives ou compléments à l’édition traditionnelle existent, mais si vous vous attendiez à du gain de temps ou moins de travail, c’est loupé ! La publication d’un livre est un engagement auprès de soi-même et de ses lecteur·rice·s. Mal préparé·e, vous les décevrez en plus de vous-même.

Souvent, l’autoédition paraît plus facile de par son accessibilité. En effet, être publié·e par le biais de l’édition traditionnelle s’apparente souvent à l’ascension de l’Everest. S’autoéditer est aussi une ascension, mais d’un autre mont et presque en solitaire, avec ses points positifs et négatifs.

Pour aller plus loin

Aude Réco

Je suis autrice dans les genres de l’imaginaire à destination des adultes et des jeunes adultes.

Je suis adepte de méli-mélo temporel, de mondes aux contrées mystérieuses et, surtout, de maisons hantées et d’histoires de fantômes.
J’aime tout ce qui touche au passé et à la mémoire des lieux, aux secrets de famille et vieilles malles poussiéreuses pleines de souvenirs.

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2 commentaire

  1. Ah, la patience… Même si je n’ai envoyé que des nouvelles : textes courts faciles à sélectionnés étant donné qu’ils répondent à des appels à textes, je me mords les doigts, spam ma boîte mail et demande aux copains s’ils ont reçu des retours avant moi. Une torture (la dernière en date étant l’attente de la réponse de MxM, dont la moitié des concurrents a déjà reçu sa réponse, et la mienne qui traîne. D’ailleurs tu pourrais nous faire un article sur “comment trouver la patience de ne pas aller frapper chez l’éditeur pour avoir sa réponse plus vite”.
    Je divague.

    L’auto-édition me tente, mais comme tu le dis si bien, ça fait peur.
    En revanche, je préciserai que ce n’est pas une décision à prendre à la légère ; un éditeur m’a déjà refusé la publication d’un manuscrit, car après des recherches sur Internet, il a remarqué que je m’autoéditais.
    Voilà qui m’a fait bondir sur ma chaise. De quoi a-t-il eu peur exactement ?

    Pour l’instant, je regarde encore tout ça de loin, mais j’ai été intéressée par Ulule et la possibilité d’avoir des pré-commandes. Intéressant !

    Un grand merci pour cet article !

    1. “… la dernière en date étant l’attente de la réponse de MxM, dont la moitié des concurrents a déjà reçu sa réponse” ; si ce n’est pas indiscret, de quel AT s’agit-il ? (J’attends moi-même pour l’AT Sorcellerie, chez MxM Bookmark aussi, mais j’ai vu qu’ils avaient rallongé la deadline au 31 janvier, alors…)

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