Je n’avais déjà pas une haute estime de l’intrigue de Reine de beauté. Alors qu’il me restait 4 h 30 d’écoute, début juillet, je m’étais fendue d’un thread (quand même) sur ce qui ne fonctionne pas dans ce roman. C’était un peu long, mais le format idéal pour un court article, que voici.
Déjà, c’est à quel moment qu’on éprouve de la compassion pour la victime ? Jenny, 13 ans, violée et dont le corps a été retrouvé mis en scène dans une nuisette, un bouquet de fleurs entre les mains. Parce que derrière ses airs de petite reine de beauté parfaite, on découvre vite une adolescente calculatrice qui sait que « c’est pas bien, mais j’peux pas m’en empêcher, han ». (Après, c’est peut-être la doubleuse du personnage qui m’a fait cet effet niais.)
Le personnage est futile, en mode mes (anciennes) amies, mes amours (tout un cinéma), mes emmerdes. Mais attention, c’est du haut niveau d’emmerdes.
Avec son petit-ami-ou-peut-être-pas-elle-ne-sait-pas-trop, elle élabore un plan pour piéger un pédophile qui veut coucher avec elle en échange d’argent et le dépouiller. Je ne dis pas qu’il n’existe aucun·e ado, dans le monde, capable d’élaborer, puis de mettre en pratique un plan si farfelu, mais avec un polar/thriller, en général, l’auteurice se débrouille pour qu’on se sente proche de la victime. Moi, même en sachant qu’elle est morte dans d’atroces circonstances, j’ai juste envie de lui coller des coups de pelle à tarte dans la tronche. (Et je ne dis pas que le personnage a mérité son sort, bien sûr.)
Jenny nourrit cette espèce de monomanie pour son départ au Mexique avec son petit-ami-ou-peut-être-pas-elle-ne-sait-pas-trop, qui aime jouer avec des couteaux et vit tout seul parce que son oncle n’est jamais là. (Je précise que leur souhait de s’enfuir au Mexique est mis sur le tapis très vite après qu’ils se soient rencontrés.) Mais ce sont des ados, ils ont les hormones en ébullition, et ça peut (partiellement) expliquer les indécisions de Jenny. Admettons.
Mais il y a aussi le père. Quand la quatrième de couverture me vend du secret, je ne m’attendais pas au coup de la double vie, vu, vu et revu. Et quand on me dit que « la communauté de Wrenton, dans le Maine, est sous le choc », naïvement, je pensais faire connaissance avec ces personnages, qu’ils auraient voix au chapitre. (Histoire de créer une intrigue plus fournie qui reposerait aussi sur ce que pense cette communauté, dont on ne sait qu’elle est sous le choc que parce que le résumé nous l’indique.)
C’est peut-être juste mal raconté, mais je ne ressens pas la colère de la demi-sœur à l’égard de son père, par exemple, et tous les personnages sont des clichés ambulants. La demi-sœur couche avec l’inspecteur en charge de l’enquête. Au lycée, elle couchait avec son prof de maths. Le père a une double vie avec un homme. La mère picole en secret. Et la victime élabore des plans foireux pour échapper aux concours de beauté. (Je vous épargne le coupable tout désigné : un handicapé mental amateur de concours de beauté, évidemment qualifié de « simplet ».)
Tous ces points font que l’intrigue n’a pas fonctionné sur moi. À aucun moment. J’avais vu venir l’histoire de la double vie du père à des kilomètres. Chacun des personnages est détestable à sa manière, à commencer par la demi-sœur qui (c’est écrit dans le résumé aussi) déteste la famille parfaite que formait Jenny avec ses parents, qui déteste Jenny elle-même, mais veut absolument découvrir qui l’a assassinée. (Sa vie est tellement nulle, entre deux bouteilles de vodka, qu’elle en vient à s’improviser enquêtrice.) Le personnage de Jenny, lui, me paraît peu crédible. Je ne ressens rien pour elle ni pour son meurtre. L’atmosphère n’est même pas soignée. (C’est là que plusieurs voix auraient permis d’entretenir une ambiance inquiétante ou malsaine, avec du doute et de la tension.)
L’ensemble est mou. L’intrigue se raccroche à l’existence nulle à chier de la demi-sœur qui pleure son amour perdu depuis des années (le prof de maths) et aux projets inconcevables d’une ado de 13 ans qui va à la pêche au pédophile en croyant se faire de l’argent facile. J’ai l’impression que l’autrice a (vainement) tenté de donner de l’épaisseur à certains personnages, comme la demi-sœur, alors que son histoire tient sur une feuille de chou. (Et racontée à la première personne pour s’assurer de rendre ses chapitres bien plaintifs.)
Reine de beauté n’a tenu aucune de ses promesses. Ni communauté sous le choc, ni réels secrets. Pas grand-chose à se mettre sous la dent parce que la plupart des éléments sont prévisibles. L’ensemble, répétitif, aurait pu tenir sur un format beaucoup plus court et, peut-être, plus dynamique. (Mais ce n’était peut-être pas le souhait de l’autrice.)