Le sprint final en matière de premier jet est parfois tel que certain·e·s se laissent emporter par la motivation et enchaînent avec les corrections. À cela, je dis « Mauvais plan ! » Plus, je dis qu’il est plus prudent de laisser reposer son roman.
Pourquoi ? Combien de temps ? Je vous explique tout ci-dessous.
L’INTÉRÊT DE LAISSER REPOSER SON ROMAN
Laisser reposer son roman, c’est prendre le recul nécessaire pour attaquer la phase des corrections. C’est s’assurer qu’on n’aura pas la tête dans le guidon au moment d’engager un long bras de fer avec Dame Corrections.
Il n’y a pas de secrets : il faut apprendre à s’aménager du temps, à s’imposer une auto-discipline, à penser avec rigueur et objectivité. Avec les années, j’ai compris qu’il ne sert à rien de corriger un manuscrit dans la foulée. Prendre du recul est un mal nécessaire : il faut laisser l’histoire reposer.
Alors, depuis, j’applique la méthode « pâte à pain » : je me fixe un délai d’attente pour reprendre dès que je m’en sens prête et capable.
DE LA JOIE DES CORRECTIONS
Comme écrire, corriger devrait être un plaisir. Chez certaines personnes, c’est inné. Chez la plupart, la correction équivaut à une corvée dont on se passerait bien. (C’était encore mon cas il y a deux, trois ans.) Et j’ai envie de dire que tout ou presque est question d’humeur.
Beaucoup d’a priori circulent sur le processus de corrections (éditoriales ou non) : véritable casse-tête dans certains cas où l’histoire est d’une complexité sans pareille, ras-le-bol général à force de relire la même chose…
Notre manière d’aborder le problème est importante : éviter le pessimisme, essayer de positiver, ne pas se dire qu’on n’y arrivera pas. Et, surtout, se faire sa propre idée de la question sans oublier que chaque cas, chaque manuscrit et chaque auteur·rice est unique.
Depuis quelques temps, je prends donc plaisir à corriger. C’est une bonne occasion de replonger dans une histoire que j’ai aimé écrire, d’avoir quelques fous rires en relisant mes âneries, de redécouvrir mes personnages. Pour l’instant, je n’ai pas été déçue par ma technique, mais tout dépend des caractères, des conditions de travail…
EN PARLANT DE CONDITIONS DE TRAVAIL
Certain·e·s ne supportent pas de travailler au milieu des enfants qui font la sieste et qui sont susceptibles de se réveiller n’importe quand, alors que d’autres ont besoin d’agitation pour bosser. Encore une fois, tout est question de caractère, d’habitudes. S’aménager un emploi du temps pour corriger ne signifie pas se couper du monde et abandonner la petite famille.
L’idée est de respecter son planning avec rigueur et de ne surtout pas procrastiner. (Il n’y a rien de pire pour tuer la motivation.) En faire plus un jour et moins le lendemain ? C’est vous qui voyez. Personnellement, je reste sur la même base tous les jours pour garder le rythme. Se mettre en avance, c’est bien, mais rien ne garantit que ça n’achèvera pas notre motivation le lendemain. La régularité m’évite ce genre de souci et m’a permis d’évaluer mes limites. (Même si on aime corriger, au bout d’un moment, stop.)
MALGRÉ TOUT, SE MÉNAGER
Une pause occasionnelle est souvent salutaire, alors, quand vous sentez la fatigue, la lassitude ou autre monter, un café, un thé, du chocolat, et on y retourne !
Rien ne vous empêche de boire et de grignoter pendant que vous travaillez, même si le grignotage peut-être considéré comme une distraction. Mais, tant que vous ne perdez pas vos objectifs de vue, vous devriez y arriver. Rappelez-vous que Rome n’a pas été bâtie en un jour. (En revanche, il n’a pas fallu plus d’une semaine pour la ravager presque entièrement ; déduisez-en qu’un rien peut réduire à néant des mois de boulot et des tas d’ambitions.)
Allez-y étape par étape, fixez-vous des paliers avec, pourquoi pas, une récompense à clef. Essayez de ne pas vous arrêter en plein milieu d’un chapitre, ça vous aidera peut-être. Comme disait toujours mon prof de philo, ne confondez pas vitesse et précipitation.
Cette longue parenthèse se refermant, passons à la suite du sujet !
POURQUOI LAISSER REPOSER SON TEXTE ?
Je l’écrivais dans l’introduction, laisser reposer son roman, c’est prendre le recul nécessaire pour attaquer la phase des corrections. C’est prendre le temps de commencer un autre roman, de faire tout ce que vous n’avez pas encore eu l’occasion de faire…
Par ailleurs, laisser reposer son roman vous permettra de mieux y revenir plus tard, quand vous estimerez être prêt·e. Le repos peut devenir une forme de maturation de nouvelles idées, complémentaires de votre intrigue, voire qui chambouleront votre roman. Parfois, il vaut mieux réécrire plutôt que corriger, et laisser reposer son roman est l’étape qui permet de s’en rendre compte.
LAISSER REPOSER SON ROMAN, C’EST LUI PERMETTRE DE GRANDIR
Laisser reposer son roman (et quel que soit le texte, d’ailleurs) est essentiel à son bon développement. On compare souvent l’écriture d’un premier jet à un accouchement. Si je pousse la comparaison un peu plus loin, je dirai que les corrections équivalent à tout ce qui suit cet accouchement : visites chez le médecin, alimentation, rythme de sommeil (ou de non sommeil)…
Avant de laisser son bébé manuscrit voler de ses propres ailes, il convient de le préparer. C’est long, fastidieux et démoralisant, mais c’est surtout un processus agréable pour peu que vous suiviez son rythme et non le vôtre.
Prendre son temps est indissociable des corrections. Couper les différentes phases pour s’octroyer des pauses aussi. Rien ne vous oblige à penser corrections matin, midi et soir, à manger corrections, à dormir corrections… Pauses et divertissement(s) sont les clés de corrections efficaces.
LAISSER REPOSER SON TEXTE… ET SON ESPRIT !
Je ne sais pas vous, mais, moi, la perspective de replonger aussi sec dans des corrections ne m’enthousiasme absolument pas. Or, on sait tou·te·s que l’absence de motivation ne fait pas des merveilles en matière de productivité.
Ici, on ne parle pas d’une tâche mécanique ou répétitive ; l’esprit doit être alerte. Il s’agit, non seulement, de détecter les coquilles et incohérences, mais, aussi, d’harmoniser ses chapitres, de solidifier son intrigue, d’uniformiser les comportements selon quel personnage les adopte…
Il y a tout un travail à effectuer en amont. On ne se lance pas aveuglément dans les corrections de son roman. En tout cas, pas dans des corrections de fond ni avec la rigueur que l’on en attend.
Si vous optez pour des corrections quasi immédiates, alors, vous survolerez le(s) problème(s) et grillerez votre motivation dans un travail bâclé.
ON LIT, ON COLORIE, ON TIENT UN JOURNAL D’AUTEUR·TRICE…
Sans aller jusqu’à reprendre ou commencer un manuscrit, il existe mille et une façons de s’occuper l’esprit, en tout cas, de le garder éloigné de ses corrections.
Lecture, coloriage, films/séries TV en retard, promenades, rangement (trier a l’avantage de ranger aussi dans sa tête), cuisine, jardinage… Tout est bon pour ne pas réfléchir à la manière dont on va amorcer ses corrections.
Si vous êtes du genre à ne pas pouvoir résister si l’ordinateur est allumé, retenez-vous de l’allumer et consacrez-vous à des activités qui ne nécessitent pas de s’y installer. Pareil pour le téléphone. (Il est tellement tentant et facile d’ouvrir Evernote ou Trello !)
Maintenant, je pense que c’est clair pour tout le monde : laisser reposer son roman présente bon nombre d’avantages, à commencer par celui de ne pas foncer droit dans le mur sans s’en rendre compte.
Peu importe le temps que vous consacrez à vos corrections ; passez-y autant d’heures que nécessaire et ne vous préoccupez pas des prouesses des autres. Encore une fois, on ne compare pas deux romans, deux auteur·rice·s ni deux emplois du temps. Ne vous focalisez pas sur la To-Do List. Prenez les imprévus comme ils viennent et dites-vous que tout se passera bien. À considérer les corrections comme la continuité logique de l’écriture de votre premier jet, vous pourriez y prendre plus de plaisir que prévu.