Aude Réco Nous sommes le 8 mars. Un de plus, ce qui est assez déprimant, puisque, du haut de mes 36 ans tout frais (je suis du 7 mars), on a encore besoin d’une journée internationale des droits des femmes pour rappeler 1) qu’elles existent, 2) qu’elles ont droit au même respect que les hommes, 3) que la culture du viol et le patriarcat ont de beaux jours devant eux.
Je viens d’avoir 36 ans, et, depuis mes 6 ans, rien n’a changé. Les mères éduquent toujours leurs filles dans la peur et les habituent à une position de future victime de viol ou d’agression sexuelle. Même pour celles qui agissent par instinct de survie, elles entretiennent la culture du viol et cultivent le patriarcat avec un amour toxique. Pour les autres, elles se rangent à l’avis de l’oppresseur, plus ou moins volontairement, plus ou moins avec conscience. (Surtout, elles font avec les bases qu’elles ont.)
« Sers les cuisses, on va voir ta culotte sous ta jupe » (ou son pendant « Tiens-toi correctement »). « Tu n’as pas peur de prendre le tram’ avec un mini-short ? »
« Cette femme l’a un peu cherché, aussi. Ça te viendrait à l’idée, toi, de [complétez selon votre expérience] ? »
Ces phrases, je les ai entendues enfant, adolescente, adulte. J’ai 36 ans, ma mère croit toujours que la tenue fait la victime, mon père ne comprend pas pourquoi les victimes de viol et d’agressions sexuelles ne parlent pas plus tôt. (Je ne lui en veux pas, génération d’après-guerre, et c’est un sujet que ma mère n’a jamais vraiment abordé, ni avec lui, ni avec les filles, ni avec les garçons.)
Inceste, violences conjugales, pertes de repères, abus d’autorité, faveurs sexuelles, consentement bafoué…
Mais c’est l’éducation sexuelle à l’école qui fait trembler dans les chaumières.
Aujourd’hui, je vous propose un article qui change de l’ordinaire, mais piochez dans ses ressources, peut-être que, par vos romans, vos nouvelles, vous aussi changerez, à votre échelle, ce qui est malheureusement encore ordinaire.
Certains liens sont sponsorisés (ils sont indiqués). (Je sais, c’est Amazon, mais, un jour, je vous raconterai pourquoi les auteurs et autrices peuvent difficilement s’en passer.)
Histoire, santé, médias, fiction…
Parce qu’on vit dans un monde où Lorànt Deutsch en histoire, c’est crédible, mais des armes dans la tombe d’une femme, ça, non.
(Et vous connaissez l’histoire des archéologues du dix-neuvième qui partaient du principe qu’une femme avait le crâne plus petit parce que son cerveau était moins développé que celui d’un homme ? – Je l’ai appris en lisant L’Île aux mensonges, de Frances Hardinge – lien sponso.)
Parce que les médicaments sont en majorité testés sur des hommes, alors que, simple exemple, hommes et femmes ne réagissent pas aux mêmes anti-douleurs. (Je vous renvoie à un épisode tout récent du podcast Grand bien vous fasse pour comprendre les enjeux et conséquences sur la santé des femmes.)
Parce que « Chérie, t’as pensé à… ? »
Et parce qu’on en est encore à publier (et à lire !) des articles pour réduire la charge mentale des femmes, à base de « Faites des listes ! » (mais dire aux mecs de se remuer les couilles, ça ne leur vient pas à l’idée). (Lisez le livre de Coline Carpentier : guide d’autodéfense sur la charge mentale – lien sponso !)
Parce que les femmes Afghanes ? Et toutes les autres.
Parce que Gisèle Pelicot ? Et toutes les autres.
Parce que Florence Porcel ? Et toutes les autres.
(Les Reels de Florence Porcel de son audition à la Commission d’enquête à l’Assemblée nationale sont disponibles : le premier • le deuxième • le troisième • le quatrième.)
Parce que, par principe, une femme ment. Un homme, lui, est présumé innocent jusqu’au verdict. (Amber Heard, Angelina Jolie… pour ne citer qu’elles.)
Parce que les autorités compétentes (hum) sont au mieux mal formées à gérer ces cas, au pire méprisantes.
(J’ai eu la chance d’être bien accueillie, sans me sentir jugée et sans questions du type « Mais vous ne l’avez pas un peu provoqué ? » quand j’ai porté plainte contre mon frère, l’année dernière. C’est loin d’être systématique.)
Parce que l’effet Matilda.
Parce que l’effet « Ketty Genovese » (ou l’effet spectateur). (Bobette Buster aborde le sujet dans le chapitre 5 de son Écouter : pourquoi la véritable écoute ouvre de nouvelles voies.)
Parce que Vianney qui s’occupe de son fils a droit à des articles élogieux, mais qu’une mère qui s’en charge « par défaut », c’est normal (même s’il faut plus de pères qui changent les couches, subissent les réunions parents-profs et accompagnent les gamins aux sorties scolaires).
Parce que Milly Bobby Brown en est à affirmer qu’elle ne s’excusera pas d’avoir grandi (par rapport à sa couleur de cheveux).
Parce que le harcèlement banalisé en ligne. Streameuses, YouTubeuses. Parfois pour une vague histoire de cheveux (restons dans le thème). Lena Situations en a d’ailleurs parlé dans une vidéo effarante.
Parce qu’on applaudit à deux mains les « femmes fortes » dans les fictions, comme s’il était normal qu’elles subissent et se relèvent.
Parce qu’on compare souvent les héroïnes féminines à leurs pendants masculins. (J’en ai une qui a été comparée plusieurs fois à Indiana Jones, alors que Lara Croft existe.) (En plus, j’aime pas Indiana Jones.)
Parce qu’une femme qui se maquille, c’est une pute.
Parce qu’une femme tatouée, c’est une pute.
Une femme qui boit de l’alcool, c’est une pute.
Une femme qui porte une mini-jupe/un mini-short, c’est une pute.
Une femme qui parle à d’autres hommes, c’est une pute.
Une femme qui sort le soir, c’est une pute.
…
