On parle pas mal, en ce moment, de publication et Trigger Warnings. Je vois beaucoup de gens s’interroger, à la fois sur l’utilité et la portée des Trigger Warnings. (Ou TW.) Je vois aussi passer pas mal de tweets et de statuts dubitatifs, voire assez véhéments, alors, je pense qu’une mise au point serait profitable.
Que sont les Trigger Warnings ?
Les Trigger Warnings ou ce moyen merveilleux d’être prévenu·e d’éléments violents dans un livre, un film, un jeu vidéo… Ou de prévenir, ce en quoi certain·e·s cherchent encore l’utilité.
Dans « éléments violents », il y a : des relations sexuelles dépourvues de consentement, de la torture, une forme de considération de la part d’une victime pour son violeur, des troubles compulsifs alimentaires (ou TCA)…
Là où le Trigger Warning devrait être une évidence (on n’a pas tou·te·s envie de lire des romans à base de syndrome de Stockholm romancé), certain·e·s pointent là le début de la censure. Pour autant, le Trigger Warning a pour but de prévenir les autres d’un contenu potentiellement choquant, tout en s’accordant le droit du partage.
Publication et Trigger Warnings : une collaboration qui laisse dubitatif
Certain·e·s se demandent si associer publication et Trigger Warnings ne reviendrait pas à édulcorer la littérature, voire à la dénaturer.
Parce que les livres sont faits pour vivre des expériences, il convient effectivement de s’interroger sur l’impact de tels avertissements dans nos fictions. Mais, parce que les livres sont faits pour vivre des expériences, il convient aussi de s’interroger sur l’impact de l’absence de ces Trigger Warnings.
La lecture est un plaisir
La lecture n’a pas à être traumatisante. Associer publication et Trigger Warnings n’a qu’un but préventif : celui de préserver les personnes qui le souhaitent ou en ont besoin.
Chacun·e a sa sensibilité propre (moi, je ne supporte pas les scènes de torture animale dans un livre), et on peut insérer un Trigger Warning sans « dénaturer la littérature » ni citer un chapitre précis. Je le répète, un Trigger Warning, c’est de la prévention, pas de l’enquiquinement en règle. C’est une invitation au vivre-ensemble pour que les auteur·rice·s puissent continuer à écrire ce qu’iels souhaitent (et à aborder des thématiques dures, cruelles…) tout en respectant la sensibilité des lecteur·rice·s. Parce que, non, un titre, une couverture et un résumé ne suffisent pas toujours.
Le titre, la couverture et le résumé suffisent
J’ai lu, parmi tous les exemples cités en défaveur des Trigger Warnings, que le titre, la couverture et le résumé suffisent à définir les sujets éventuellement choquants d’un livre.
Non.
Parce qu’il y a des titres trompeurs. Des couvertures trompeuses. Des résumé qui, justement, résument, et, donc, ne spécifient pas le type de violence que læ lecteur·rice rencontrera. On ne peut pas juger de la violence d’un récit à partir d’un extrait ou d’un résumé. Comme on ne peut pas juger de la violence d’un récit pour quelqu’un d’autre.
Publication et Trigger Warnings pour préserver son lectorat
Peu importe qui l’on est et nos antécédents, nous possédons tou·te·s nos limites. Par respect pour les lecteurs·rice·s, les auteur·rice·s de sujets dits sensibles devraient prévenir de la présence de certaines scènes, voire de leur manque de réalisme. (Je pense notamment à des rapports non protégés pour des soucis « techniques » d’écriture et de fluidité.)
Ne parlons pas à la place des concerné·e·s.
Ne choisissons pas à la place des concerné·e·s, ou, plutôt, faisons le choix de leur proposer des lectures qui ne les choqueront pas. (Viol, inceste, TCA…)
Cessons de ne pas « voir le problème » et de citer en exemple des extrêmes pour dénoncer une censure qui n’existe pas, une littérature aseptisée ou dénaturée. C’est justement pour continuer à aborder des sujets sensibles que publication et Trigger Warnings pourraient fonctionner si on essayait avant de juger.