J’ai lu La Philosophie du cinéma d’horreur de la docteure et professeure de philosophie Olivia Chevalier-Chandeigne. Elle s’y intéresse au cinéma d’horreur, à notre fascination pour celui-ci et à notre rapport à l’horreur.
Si le sous-titre indique « Effroi, éthique et beauté », sachez que le livre ne s’intéresse réellement qu’aux deux premiers. (Surtout à l’effroi.) Enfin, je me dois de vous prévenir que le livre est vraiment très court, avec ses 150 pages.
La Philosophie du cinéma d’horreur : philosophie ?
Je vais commencer par le plus gros point noir de La Philosophie du cinéma d’horreur : son titre. En dehors de quelques passages dédiés à Rousseau et Descartes, le contenu est plutôt vide de philosophie.
L’autrice a clairement développé une forme d’obsession pour Freud, qui, je le rappelle, n’était pas philosophe. (Oui, je sais que l’on a tendance à rapprocher la psychanalyse de la philosophie, mais elle n’est même pas reconnue comme une science. Sans parler des différents travaux qui font se casser la gueule à la théorie freudienne.) Freud ne s’étant, par ailleurs, jamais défini comme un philosophe, il me paraît improbable de titrer La Philosophie du cinéma d’horreur quand on s’appuie sur des concepts dépassés pour la plupart.
Dès le premier tiers du bouquin, j’ai clairement senti que quelque chose clochait.
De l’analogie, plutôt qu’une réflexion poussée
Je m’attendais à peu d’œuvres explorées, étant donné l’épaisseur du bouquin, mais, au moins, à quelques analyses poussées. N’en ressort, surtout, que celle de La Nuit des morts-vivants, brouillonne de par son étalage tout au long du livre.
L’autrice aborde le caractère politique du film, considéré, à l’époque, comme une métaphore de la guerre du Viêt Nam, voire une dénonciation du mode de consommation. Elle s’attache, presque lourdement, à ce que les zombies représentent en nous de dépendance matérielle et consumériste. (Et se trompe, selon moi, quand elle évoque une « tiédeur envers l’idée romérienne d’une “évolution” du zombie. » Moi, je trouve que l’horreur fonctionne d’autant plus, car l’Homme, contrairement au zombie, possède toujours sa faculté de réflexion et sa conscience, ce qui ne l’empêche pas de commettre certains actes. Je me demande, du coup, lequel des deux est le plus monstrueux. Certes, l’horreur n’émane plus tant de la figure du zombie, mais l’autrice elle-même écrit, à plusieurs reprises, que l’Homme est un monstre comme un autre et qu’il est, à la fois, instigateur et consommateur de l’horreur présentée.)
Effroi, éthique et beauté
De l’effroi, l’éthique et la beauté, La Philosophie du cinéma d’horreur s’attache essentiellement aux deux premières. L’effroi, notre volonté de regarder un film d’horreur et ses causes sont généreusement abordés. L’éthique, elle, souffre d’une vision qui sépare malheureusement l’œuvre du contexte sociopolitique dans lequel il est sorti. L’autrice se penche, pourtant, sur l’intérêt de réaliser des films d’horreur : il est important de montrer l’horreur pour se décharger des horreurs réelles. (Point qu’a aussi soulevé Stephen King dans Anatomie de l’horreur.)
Enfin, la beauté est très nettement survolée. J’aurais pensé que l’esthétique dans le cinéma d’horreur aurait été abordé. Approfondi, même. Le sujet ne se résume, néanmoins, qu’à une définition de la notion du beau, quelque part au début du livre, puis à quelques lignes sur Dario Argento et le cinéma asiatique. Là où l’autrice aurait pu citer la créature de The Thing, La Mouche (qui a, quand même, reçu un Oscar, en 1987, pour le maquillage), le xénomorphe d’Alien, elle se contente d’un nom. Il est dommage qu’un livre sous-titré « Effroi, éthique et beauté » n’accorde que peu d’importance à l’esthétique du film d’horreur, portée sur les environnements sombres, les lumières faiblardes ou intermittentes, les couleurs saturées… Surtout, La Philosophie du cinéma d’horreur aurait pu s’appuyer – aurait dû ! – sur plus de films qu’il ne le fait afin de permettre une réelle analyse du cinéma d’horreur. (Au moins pour porter son titre.)
Un livre qui ne s’attache qu’aux films les plus connus
Si le propos global de La Philosophie du cinéma d’horreur se révèle très intéressant (à condition de ne pas s’attacher, ici, à la notion quasi inexistante de la philosophie), il s’appuie essentiellement sur les films les plus connus : La Dernière Maison sur la gauche, Hostel (un peu trop), La Nuit des morts-vivants (beaucoup trop), L’Exorciste, Halloween, Cube, La Colline a des yeux… Il effleure ces films sans creuser l’analyse et sans porter le moindre regard sur les conditions sociales dans lesquelles ils sont sortis.
L’autrice tend à s’appuyer sur ces films pour illustrer son propos, sans vraiment creuser. Ils sont surtout là pour servir d’exemples, alors qu’il y aurait tant à dire ! La Philosophie du cinéma d’horreur est, néanmoins, un bon début pour celleux qui aimeraient poursuivre leur exploration de ce genre si décrié.
Un bon socle avant d’approfondir le sujet
Le style est lourd, pompeux, mais lisible, même si la segmentation de l’ensemble ne facilite pas la lecture. Il y a certains raccourcis auxquels je n’adhère pas, comme le fait qu’un film d’horreur soit forcément gore. (La Maison du diable est considéré comme un film d’horreur, alors qu’il ne compte aucune scène sanglante. Il ne montre, d’ailleurs, rien du tout, puisque sa force réside dans le pouvoir d’imagination des spectateur·rice·s. Pour citer une œuvre plus récente, Le Projet Blair Witch s’inscrit dans la même veine, dans le sens où il ne montre rien.)
La Philosophie du cinéma d’horreur est, néanmoins, un bon socle pour quiconque souhaiterait en savoir plus sur le sujet. (Encore une fois, à condition de ne pas attacher trop d’importance à l’aspect philosophique qui se fait désirer.) Il présente les bases du cinéma d’horreur, ses codes et ses figures en s’appuyant sur des films connus de (presque) tou·te·s, même si sa lecture se révèle, parfois, fastidieuse.
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