Quand Lovecraft raconte l’épouvante et le surnaturel – qu’il maîtrisait plus que bien –, on obtient l’essai Épouvante et surnaturel en littérature. Environ 140 pages de références, de Goethe à Poe en passant par Emily Brontë et Mary Shelley.
Lovecraft consacre plusieurs pages au roman gothique, à sa naissance et à son apogée, à son empreinte dans le genre fantastique, puis à Poe. Entre autres.
LOVECRAFT ET LA LITTÉRATURE GOTHIQUE
De Mary Shelley à Edgar Allan Poe, la littérature gothique ne cesse de fasciner depuis ses prémices. (Avec des hauts et des bas, quand même, et l’arrivée du fantastique en Europe continentale, à partir de 1830.)
LE GOTHIQUE PAR EXCELLENCE
Tours sombres, châteaux en ruine, longs corridors, légendes et fantômes constituent le décor de base du roman gothique, à ses débuts. Se sont ajoutés, progressivement, des personnages-type, tels que le tyran, l’héroïne persécutée et le héros. (De haute naissance, c’est mieux.)
Si, aujourd’hui, la littérature gothique évoque essentiellement un goût pour le macabre et le sentimental, il n’en a pas toujours été ainsi. Du moins, pas sous cette forme. En effet, la poésie gothique trouve son attrait dans le sublime, caractéristique de ce qui est inquiétant, irrationnel, voire infini. Caractéristique aussi du « beau » amélioré pour devenir envoûtant et voluptueux. Surtout, le gothique d’origine développe un intérêt pour les vestiges de l’architecture médiévale, représentative de la déchéance des idées – notamment religieuses – de l’époque. Des auteur·e·s ont ainsi profité du gothique pour critiquer le catholicisme.
LOVECRAFT, LE GOTHIQUE ET L’HORREUR
Dans son essai, Lovecraft évoque le mythe du vampire, sombre et torturé, et la terreur esthétique, significatifs du regain pour le roman gothique. Il ne manque pas d’établir le lien avec l’horreur, par le biais de l’esprit diabolique de Heathcliff dans Hurlevent. (Personnellement, j’aurais plus établi le lien avec la terreur, qui fait davantage écho à nous-mêmes, à nos actes et nos convictions profondes, qu’à l’horreur, plus concrète, mais les deux se tiennent.)
Lovecraft qualifie Heathcliff de « mauvais personnage byronien transformé », source d’une profonde horreur surnaturelle, par ses origines mystérieuses et par ses actes. Il n’oublie pas les quelques éléments irréels du roman (comme la scène avec le fantôme de Catherine, au début), bien qu’eux découlent davantage du fantastique que du gothique, contrairement au cadre.
LOVECRAFT ET LA LITTÉRATURE FANTASTIQUE
En Europe continentale, la littérature horrifique se porte bien. (Ndla : J’ai l’impression que Lovecraft confondait horreur et terreur, ou ignorait l’étroite barrière entre les deux, ou que celle-ci n’existait tout simplement pas à l’époque.) En France et en Allemagne, Victor Hugo, Théophile Gautier, Hoffman et d’autres produisent une grosse quantité de textes fantastiques, tandis que Baudelaire, lui, traduit Poe pour notre plus grand plaisir.
Lovecraft évoque le cas, particulier, de Maupassant, esprit brillant et réaliste piégé dans la folie. Il qualifie Le Horla d’« avant-garde d’une horde d’organismes extraterrestres qui viennent sur Terre pour dominer l’humanité » et penche, ainsi, lentement, vers les monstres qui peuplent la littérature fantastique.
LOVECRAFT ET LE CAS EDGAR ALLAN POE
Si la littérature fantastique nous habitue à des monstres divers et variés, nous savons néanmoins que le pire monstre qui existe, c’est l’Homme. Et ça, Poe l’avait bien compris.
Ses nouvelles font écho au genre humain, à ce qu’il peut faire de pire et envisager de pire. Elles reflètent la mécanique de l’esprit et renvoient læ lecteur·rice face à ses propres craintes. Elles décortiquent le processus de terreur, plongent ses personnages dans l’abîme et voient quelle facette finira par apparaître. Poe écrivait du fantastique (mais pas que) très inspiré des codes esthétiques du gothique. Ses descriptions, alambiquées, son style précieux et les lieux qu’il choisissait pour théâtre du surnaturel, de la manie ou du macabre, semblent jaillir tout droit des jeunes années du gothique.
Lovecraft ne sépare pas, ici, l’auteur de l’homme. Car l’homme forgeait l’auteur ; il était le matériau de base à la conception de ses nouvelles. Plus que tout être humain, Edgar Allan Poe puisait dans sa propre personne pour conter le malheur, la déchéance et la folie.
LOVECRAFT ET LES MAÎTRES MODERNES
C’est en toute logique que Lovecraft enchaîne avec les « maîtres modernes ». Il s’épanche sur la qualité renouvelée du fantastique, en matière d’horreur, grâce, notamment, aux progrès de la psychologie. Ce chapitre reste néanmoins superficiel, tant il approfondit peu le propos. Lovecraft y cite essentiellement des noms et des œuvres à la chaîne, apportant çà et là une précision ou deux.
Il s’attache au fantastique puisé dans un contexte du Moyen Âge – ce qui fait très gothique, vous en conviendrez –, de rites blasphématoires et de démons. Rien que de très, très classique, à mon sens. (C’est une autre forme de fantastique que je recherche dans la littérature, moins cliché.)
Je suis loin d’avoir abordé tous les chapitres d’Épouvante et surnaturel en littérature. De toute façon, il s’agit d’une lecture forcément incomplète, puisqu’écrite par un auteur mort depuis 1937 ! Je le conseillerai néanmoins, ne serait-ce que pour vous constituer une base solide de lecture si l’épouvante et le surnaturel littéraires vous intéressent. Un index des œuvres citées (voire développées) dans le livre est mis à votre disposition. Je vous laisse le lien ci-dessous pour le découvrir, ainsi que d’autres bouquins :
Épouvante et surnaturel en littérature – Howard Phillips Lovecraft
L’horreur de Dunwich – Howard Phillips Lovecraft
Frankenstein – Mary Shelley
Dracula – Bram Stoker
Hurlevent – Emily Brontë
Récits fantastiques – Théophile Gautier
Le Horla – Guy de Maupassant
La Dimension Fantastique – Anthologie (J’ai mis l’intégrale de toutes les anthos.)
Les Contes Macabres – Edgar Allan Poe
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