Écrire dans un nouveau genre, c’est parfois galère. Avant d’écrire du gothique pour l’appel à textes du Petit Caveau à destination de sa nouvelle collection gothique (à l’époque), je n’y avais jamais touché. Outre le fait que, aujourd’hui, je suis complètement accro à ce genre, à ses atmosphères, cette première incursion dans un genre nouveau m’a permis de développer quelques astuces en prévisions des prochaines fois.
Écrire dans un nouveau genre passe, me concernant, par quatre phases :
- la découverte
- la compréhension des codes
- la mise en place des codes
- les premiers essais.
Ces phases constitueront la base de mon article, et j’ai une astuce pour chacune d’elles !
La découverte d’un nouveau genre
La découverte est la partie qui m’enthousiasme et m’effraie le plus à la fois.
Elle m’enthousiasme parce que j’adore apprendre et comprendre ce qui façonne un genre. Sans tomber dans les clichés propres à chacun, j’aime développer mes points de repère, voir se dérouler tout un champ de possibilités et me dire « Chouette ! J’ai l’embarras du choix. »
Elle m’effraie aussi, car, inévitablement, il y aura des déceptions. Des éléments que je pensais associer ne s’emboîteront pas aussi bien qu’espéré. D’autres devront disparaître de mes plans… Mais, ce n’est pas grave, ça fait partie du jeu !
La découverte a ceci d’exceptionnel, pour moi, qu’elle agrandit mes perspectives dans l’écriture. Elle m’empêche de m’ennuyer dans un genre précis, de renouveler mes opportunités.
Ça, c’est ma première astuce : se prendre au jeu et ne pas voir cette incursion dans un nouveau genre comme une contrainte.
Les difficultés d’écrire dans un nouveau genre ne sont pas une contrainte
Écrire dans un nouveau genre résulte de votre décision. Vous avez peut-être vu passer, comme moi en 2013, un appel à textes qui, depuis, vous fait de l’œil, mais ça reste votre choix. Personne ne vous contraint à faire vos premiers pas dans un genre dont vous ignorez tout ou presque. (C’était mon cas avec le steampunk, avant d’écrire mon western, puis avec mon dieselpunk égyptien.)
Quoi qu’il en soit : votre choix, vos règles. Si vous n’y arrivez pas, ne vous mettez pas la pression. Prenez bien le temps de découvrir. Renseignez-vous via des documentaires, des podcasts, des articles de blog, des vidéos. Lisez des œuvres issues du genre qui vous intéresse. Profitez-en. Développez votre curiosité. Faites-vous plaisir.
Rien ne vous oblige à aller vite, et personne ne vous oblige à finir ce que vous avez commencé, encore moins dans les délais que vous avez prévu. Accordez-vous le temps de la découverte et de la compréhension pour ne pas vous lasser du genre avant même d’avoir commencé à écrire votre texte.
Les codes
Ceci sera ma deuxième astuce : il y a un temps pour tout, notamment pour découvrir un genre, puis en comprendre les codes, les rouages, avant de pouvoir les appliquer.
Cette étape vous permettra de mettre en place ce que j’appelle des réflexes d’écriture propre au genre choisi. Vous ne pourrez écrire dans un nouveau genre si vous n’en saisissez pas les nuances par rapport aux autres, par exemple. C’est ainsi que le gothique se détache du « simple » registre fantastique, que la fantasy urbaine existe et que le steampunk peut se prêter à d’autres époques/atmosphères que l’Angleterre victorienne.
Prévoyez-vous des clés de compréhension. Notez tout ce qui pourrait être un repère. Armez-vous de patience et ne vous en demandez pas trop. La mise en place des codes, l’étape suivante, n’est pas la plus compliquée, mais elle nécessite encore plus de patience.
La mise en place des codes
Quand on a bien compris ce que représente un genre et ce qui le définit (ses enjeux politiques, financiers, sociologiques, ses caractéristiques…), on peut passer à la mise en place des codes. Mais, de quoi s’agit-il ?
La mise en place des codes consiste, simplement, à reprendre vos notes (repères, idées, contexte…) et à essayer de les intégrer à votre texte. Sans aller jusqu’au synopsis de travail (surtout si vous êtes jardinier·ère), c’est le moment de vous essayer à une description ou deux, à quelques dialogues. Vous pouvez aussi fouiner sur Pinterest pour trouver des images qui correspondent au genre sur lequel vous travaillez.
Encore une fois, pas de panique. Dites-vous que vous n’y arriverez pas du premier coup. Profitez-en pour vous imprégner de l’atmosphère, imaginez vos personnages dans le contexte…
Associez vos idées à certaines informations que vous avez recueillies. Voyez ce qui colle ; des combinaisons se formeront tôt ou tard, parfois sans que vous n’ayez rien à faire.
Associer des idées et des informations sans forcer
C’est là ma troisième astuce : ne cherchez pas à mettre une idée et une information ensemble, à tout prix, si vous sentez qu’un détail ne colle pas. Certaines associations sont faites pour ne pas exister, alors que d’autres tombent sous le sens. (Pas forcément tout de suite, raison pour laquelle il est préférable de vous accorder du recul.)
Si ce que vous prévoyiez tombe à l’eau, ce n’est pas grave. N’insistez pas. Ne vous découragez pas. Demain, vous vous lèverez peut-être avec une idée mille fois mieux. De toute façon, à ce stade, vous essayez de donner un sens à votre texte et à l’intégrer dans le genre qui vous intéresse, pas à rendre le récit cohérent ni à rédiger un synopsis que vous ne retoucherez plus. (Est-ce que ça existe, seulement ?)
Enfin, si vous estimez avoir compris les bases du genre et si vous êtes satisfait·e·s de vos associations, il n’y a plus qu’à passer aux premiers essais.
Les premiers essais
Les premiers essais peuvent être stressants. Le résultat ne plaît pas, on s’attend à mieux, à plus de fluidité dans les dialogues, les descriptions sont lourdes… C’est un peu le lot quotidien des premiers jets, ai-je envie de dire. (Pardon, d’écrire.)
Les premières lignes d’un nouveau roman au stade de premier jet ne sont jamais les meilleures. On se tâte, on cherche par où commencer, avec quel(s) personnage(s), il faut tenir læ lecteur·rice en haleine… Ne vous laissez pas intimider par les premières lignes. Jamais. Ni au moment d’écrire dans un nouveau genre ni dans un genre que vous maîtrisez déjà. Ce n’est pas le but. Ici, vous cherchez à vous familiariser avec le genre. Parce que la théorie, c’est bien beau, mais la pratique vous mettra face à des appréhensions plus concrètes.
Vous n’êtes pas là pour vous en prendre plein la tronche ni pour vous décevoir, alors, une fois encore, prenez votre temps et soyez bienveillant·e avec vous-mêmes.
Faire connaissance avec le genre
Plus haut, je parlais de théorie. Elle représente ce moment, plus ou moins long, pendant lequel vous faites connaissance avec le genre choisi. Il se poursuit inévitablement dans la pratique, laquelle vous confronte à des questions que vous ne vous posiez pas avant, à des doutes, à une envie de remanier chaque phrase…
Ne cédez pas à l’appel du premier jet parfait. C’est ma quatrième et dernière astuce. Vous vous dégoûterez du genre auquel vous voulez vous essayer, voire de l’écriture.
Je suis sûre qu’il existe plein, plein d’autres astuces pour écrire dans un genre nouveau, mais j’ai tenu à recenser mes quatre principales, sans tomber dans l’effet inverse : un article avec ce qu’il faut et ne pas faire quand on aborde un genre nouveau. L’écriture n’est pas une succession de règles. Parfois, on prend la tangente, et ce n’est pas plus mal. C’est aussi ça, ne pas s’enfermer dans les codes (dans une certaine limite), qui permet le renouvellement des genres.