Je poursuis ma rétrospective des livres lus pour le NaNoWriMo 2017 avec La romancière et l’archéologue. Écrit par Agatha Christie, la seule, l’unique, ce livre revient sur ses cinq saisons de fouilles au Moyen-Orient.
On m’avait offert ce livre il y a déjà quelques années, sans que je prenne le temps de l’ouvrir. Je me suis longuement demandé ce qu’il pouvait bien raconter et en quoi il pourrait m’intéresser. En effet, je ne suis pas une grande lectrice d’Agatha Christie. Eh bien, si j’avais su, je l’aurais lu plus tôt !
En 1930, Agatha Christie, alors âgée de quarante ans et divorcée depuis peu, laisse provisoirement derrière elle sa chère Angleterre et une carrière littéraire déjà bien assise pour découvrir le site d’Our en Iraq. Elle a pour cicérone Max Mallowan, un archéologue de vingt-six ans qu’elle épouse quelques mois plus tard. Commence alors une vie de voyages à deux : cinq saisons de fouilles se succèdent jusqu’en 1939.
Si la romancière passe beaucoup de temps à nettoyer les trouvailles de son mari avec une aiguille à tricoter et un pot de crème pour le visage, elle n’en continue pas moins à écrire, mais ce n’est que des années plus tard, en pleine guerre, qu’elle entreprendra de raconter ses aventures au Moyen-Orient, avec nostalgie, certes, mais surtout avec un humour inoxydable et un art consommé de l’autodérision. Ses pérégrinations lui inspireront en outre trois de ses livres les plus célèbres : Le Crime de l’Orient-Express, Meurtre en Mésopotamie et Mort sur le Nil.
Vous pourrez vous procurer ce livre passionnant chez Payot, mais avant, laissez-moi vous dire en quoi il a titillé ma curiosité d’écrivain.
AGATHA CHRISTIE : ENTRE L’HISTOIRE ET LES HISTOIRES
Je parle des histoires qui mettent en scène le célèbre détective belge (pas français !) Hercule Poirot, bien sûr. Ce n’est pas pour rien que la quatrième de couverture parle de trois mastodontes de la littérature policière, encore aujourd’hui.
Pour répondre à la question sur ce qui m’a attirée dans cet ouvrage, il s’agit des titres Le Crime de l’Orient-Express et Mort sur le Nil. Le premier par son issue et le second pour son cadre. Par ailleurs, il s’agit des deux premiers Poirot que j’ai vus, fortement incitée par une sœur connaisseuse. Découvrir en quelles circonstances Agatha Christie a développé les idées l’ayant menée à ces deux romans m’a poussée à ouvrir La romancière et l’archéologue, qui porte très bien son titre. Et quelle(s) aventure(s) !
« Faites comme moi, épousez un archéologue. C’est le seul homme qui vous regardera avec de plus en plus d’intérêt à mesure que passeront les années. »
UN CARREFOUR DE CULTURES, TRADITIONS ET RELIGIONS
Et ce n’est rien de le dire, car Max Mallowan, son second époux, se plaint constamment de tells trop romains. Ils cherchent ainsi, la première année, un site non romain, près duquel ils pourront construire une maison. C’est avec humour qu’Agatha Christie raconte leurs innombrables galères. Avec simplicité aussi. Son récit regorge de détails, mais tout est écrit simplement ; elle reste fidèle à sa plume.
Elle nous conte ainsi les voyages en train, les échanges avec les femmes locales, qui viennent lui demander conseil pour régler des problèmes de santé, pendant que son mari fouille, gère ses employés et leurs différends culturels et religieux. On discute le choix du jour de repos, le versement de la paye ou la façon de tenir la maison. Agatha Christie nous raconte sa vie quotidienne, entre découvertes archéologiques, écriture et manières anglaises qui échappent à ses domestiques. L’un ne sait pas cuisiner, l’autre essaie d’écraser les piétons musulmans, un troisième vit dans le souci de l’économie et dépense finalement n’importe comment.
Au fil de ma lecture, j’ai réalisé que la vision occidentale d’Agatha Christie influençait, parfois énormément, sa manière de considérer les autochtones, leurs habitudes et leurs pratiques. Voire à les déconsidérer. J’en suis venue à m’interroger sur notre perception, à nous autres Occidentaux, du Moyen-Orient – au même titre que l’Asie, l’Afrique, bref, tout ce qui n’est pas nous.
ORIENTAUX ET OCCIDENTAUX
Agatha Christie ne fait pas exception à la majorité des auteur·e·s qui qualifieront le Moyen-Orient – ou tout ce qui n’est pas nous, donc – d’exotique, ensoleillé ou tout autre qualificatif orienté.
« UN BON GROS CHIEN HEUREUX »
Comparer les ouvriers ou domestiques à un animal se produit fréquemment dans les pages de La romancière et l’archéologue. D’autres analogies n’ayant rien à envier à la première font leur apparition au fil des chapitres.
« Le Blue Mary, notre camion, est fidèle au poste. Michel ouvre la porte arrière du véhicule et je suis accueillie par une vision familière : plusieurs poules attachées ensemble d’une manière bien peu confortable, des bidons de benzène et d’énormes sacs de toile qui ne sont autres que des êtres humains […] L’un des sacs de toile descend du camion et nous rejoint… »
Des femmes comparées à des fleurs par rapport à leurs vêtements, une implantation bien occidentale, une écriture douce-amère pour relater certains faits… (La lecture de l’heure sur une montre, par exemple.) Agatha Christie qualifie aussi son personnel de manière infantilisante, mais c’est peut-être juste la femme qui parle, plus que l’occidentale. Le livre ne traitant que de ses cinq années au Moyen-Orient, il ne m’a pas permis de voir comment elle s’exprimait sur son personnel habituel.
Dans l’ensemble, j’ai trouvé Agatha Christie très britannique, avec l’éducation et les traditions qui vont de pair. Malgré la simplicité apparente dont elle fait preuve – c’est que les trajets au milieu du sable avec une migraine carabinée, il fallait les supporter ! –, Dame Agatha m’a parue engoncée dans ses habitudes et son mode de vie.
Outre ses remarques très occidentales, j’ai eu l’impression d’une femme qui souhaitait transposer sa vie quotidienne anglaise et son confort au Moyen-Orient, plutôt que s’adapter à la culture et aux coutumes. Un comportement très colonial, finalement. Elle qui s’émerveille, au début du livre, du col de la « Montagne Blanche », riche des marques laissées par d’innombrables armées (Ramsès II, Alexandre Nabuchodonosor…), j’ai surtout eu le sentiment qu’une fois installée, elle a été rattrapée par son style de vie britannique.
« Faites comme moi, épousez un archéologue. C’est le seul homme qui vous regardera avec de plus en plus d’intérêt à mesure que passeront les années. »
Voilà qui est parler ! J’aime beaucoup cette touche d’humour.
Agatha Christie est une auteure qu’on ne présente plus et qui est tout simplement géniale. L’écriture que tu qualifies de “douce-amère” est parfaite. J’ai ressenti la même chose en lisant de ses livres, pas tous certes, mais ton terme est juste, bien trouvé.
L’humour est assez présent dans “L’archéologue et la romancière”, mais de façon amère, d’où ma qualification de “douce-amère” pour la plume. Par exemple, au début, Agatha Christie parle des “grandes tailles” en disant qu’elle déteste ce terme, qu’il est humiliant, et fait assez vite le rapprochement avec le manque de choix. C’est d’autant plus amer que toujours d’actualité
[…] Lire aussi “Agatha Christie Mallowan : la romancière et l’archéologue”. (Dernier paragraphe.) […]
Si c’est les souvenirs d’Agatha Christie, avec le papier timbré et le chef constipé et ravi, je l’ai lu il y a des années (lumière lol), et j’avais adoré. Je l’avais fait lire à ma mère, même verdict.
C’est mon écrivain préféré. De loin.
C’est celui avec le chauffeur qui veut écraser tous les musulmans parce qu’ils sont musulmans. (Et les poules dans le véhicule.)